Julien Dray, Pierre Beregovoy, Pierre Berge… 28 juin 2009

Il se peut que Julien Dray, co-fondateur de SOS-Racisme, député socialiste de l'Essonne, ex porte-parole du PS, soit innocent des malversations dont il est soupçonné, soit d'avoir perçu sur ses comptes bancaires personnels des fonds provenant de SOS-Racisme et de la Fédération indépendante démocratique et lycéenne (Fidl). Il se peut aussi que cette accusation soit en fait une "manipulation", ainsi qu'il l'affirme. Je l'ignore. Mon propos n'est pas de savoir si Julien Dray est innocent ou coupable, il est de faire un court commentaire d'un entretien publié par le Nouvel Observateur dans son dernier numéro, et titré "Dray met les pendules à l'heure".

  

En fait de pendules et d'heure, on est édifié. Si l'on comprend bien, Julien Dray a été obligé d'emprunter de l'argent à ses deux amis de SOS-Racisme parce que son salaire  – 15 000 euros par mois, nous dit-on – ne lui permet pas de faire face notamment à toutes ses charges, notamment de famille, avec trois enfants auxquels, parce qu'il est "un père qui culpabilise, il ne sait pas dire non"! On comprend aussi qu'il a eu d'autres généreux prêteurs, en particulier Pierre Bergé qui, en 1995, c'est JD qui l'affirme, lui a prêté deux millions de francs (300000 euros) pour acquérir un appartement, pardon d'un "loft", à Paris. De surcroît, il nous est précisé que l'ex-patron d'Yves Saint Laurent n'était pas très exigeant pour le paiement des traites.

Deux ans plus tôt, en 1993, Pierre Bérégovoy s'était suicidé pour moins que ça, n'ayant emprunté à Roger Patrice Pelat qu'un million de francs ! Mais Dray n'est pas Béré, pas le petit prolo obsédé par ce qu'on lui reproche et abandonné de tous ou presque, les medias ont moins d'acharnement – c'est heureux d'ailleurs – et les temps ont changé…

Ce qui me laisse stupéfaite, c'est la manière dont Dray parle de tout cela, comme quelque chose de naturel, d'allant de soi, pensant ainsi fournir des explications convaincantes, se dédouaner, d'autant qu'en somme, il n'a rien fait d'illégal. Le légal et l'illégal, voilà à quoi désormais les conduites doivent se mesurer. C'est très exactement ce que Bernard Kouchner nous a expliqué il y a quelques mois, à propos de son travail pour Omar Bongo, président à l'époque du Gabon. On le sait depuis des millénaires, la légalité ne recouvre pas toujours la moralité. Mais de la moralité, qui, aujourd'hui, se soucie?
Il se trouve qu' au moment où j'écris ces quelques lignes, Dray, interviewé sur Europe 1 propose la réunion d'états généraux de toute la gauche, précisant : "Je n'ai pas envie de voir le PS devenir la SFIO. Il faut ouvrir une nouvelle page".
Eh bien si la dite "nouvelle page", de gauche s'entend,  est écrite par de telles personnes, pour qui, après tout, quelques centaines de milliers d'euros s'apparentent à de l'argent de poche, renvoient à la satisfaction de n'importe quel caprice, la droite a de beaux et longs jours devant elle. Non que certains de ses tenants, et non des moindre, aient une mentalité différente. Mais justement, ce qui est évident, c'est que à gauche comme à droite, à droite comme à gauche, se sont installés, chez certains, des comportements, des manières d'être et de vivre que rien ne différencie, ne distingue : cumuls non seulement de mandats mais d'emplois, de fonctions, de salaires, fonctionnement en réseaux de copains, argent public utilisé à titre privé, argent facile grâce aux "chers amis" etc. Plus de ligne politique, pas de ligne de conduite. La route est escarpée!

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