En Iran, mars et avril 1979

En 1979, du 18 mars au 2 avril j’étais en Iran. C’était juste après les manifestations des femmes qui, dans les rues de Téhéran, avaient montré leur opposition au tchador et juste au moment de la campagne relative au référendum sur la République islamique.téhéran1979

Au printemps 2009, au moment des manifestations en Iran et des réunions ou meetings de soutien en France, j’ai ouvert le carton “Iran”. J’ai retrouvé des tracts de l’époque, des coupures de presse, des photos, j’ai retrouvé mes notes, nombreuses, faites d’entretiens en particulier avec des femmes iraniennes, féministes ou non, musulmanes ou non. Il faudrait qu’un jour je prenne le temps de faire quelque chose de ces notes.
J’ai retrouvé aussi les articles alors écrits qui donnent une idée et de la réalité sinon iranienne du moins téhéranaise du moment et de l’approche que j’ai pu alors en avoir.
Il me semble qu’ils peuvent à tout le moins avoir quelque intérêt pour celles et ceux qui ne sont pas indifférents à l’Iran, aux luttes que d’autres femmes et d’autres hommes mènent à nouveau pour leur liberté et une vie meilleure.

En Iran, des manifestations de femmes au référendum pour la république islamique

Depuis le premier avril 1979, l’Iran est officiellement une république islamique après un référendum-plébiscite auquel les Iraniens ont massivement participé. Symbole d’un formidable espoir pour ce peuple qui a fait tomber la dictature du Shah, le nouveau régime, dont le contenu est encore mal connu, a suscité aussi bien des inquiétudes, avant même sa proclamation En mars dernier, une première forme d’opposition s’est massivement manifestée, celle de milliers de femmes descendues dans les rues de Téhéran, et inquiètes de ce que peuvent laisser préfigurer pour elles certains discours religieux ou politiques. Décidées aussi à lutter pour leurs droits afin de ne passer, une fois de plus, aux pertes et profits de la révolution.

Le 8 mars et les jours suivants, elles étaient plusieurs dizaines de milliers dans les rues de Téhéran. On leur imposait la tenue islamique, on les refoulait des bureaux quand elles ne la portaient pas, on les agressait dans les rues. Elles disaient « non » et vite, dans la foulée, elles réclamaient leurs droits.

A Paris, ce fut un coup de cœur : les femmes iraniennes, qui avaient, comme les hommes, lutté contre le Shah n’acceptaient pas être les oubliées de la révolution. Pour la première fois, les femmes refusaient, après une lutte politique, générale, d’être renvoyées aux limbes de l’histoire.

Coup de cœur et désir de partir. Pour les rencontrer. Pour parler avec elles. Sentir. Comprendre. Partager un peu, un tout petit peu, leur enthousiasme, leurs espoirs, leurs craintes, leurs luttes. Comprendre aussi ce qui se joue dans ce pays qui a renversé une dictature en battant en brèche tous les modèles politiques qui avaient jusqu’alors fonctionné, dans la réalité ou dans nos têtes, en remettant profondément en cause le schéma marxiste des révolutions.

Sur le terrain, bien sûr, les choses paraissaient un peu plus compliquées. Disons que la réalité ne correspond ni au désir, ni à parano. Côté désir, autant être claire : la révolution des femmes n’est pas aujourd’hui en marche dans l’Iran de la république islamique. Côté parano de parisienne en mal de héroïsme, j’ai été refaite. Kate Millet a certes été expulsée, mais les avertissements paternalistes des stewards dans l’avion : « vous allez être accueillies avec des mitraillettes et fouillées intégralement », font doucement rigoler quand on débarque à l’aéroport de Téhéran. Les formalités d’entrée se font sans problème ; ce qui frappe, ce ne sont pas les fusils, mais un doux soleil printanier comme on en rêve à Paris (on m’avait dit aussi : « prends des vêtements chauds, il fait froid ») et l’immense portrait de Khomeiny au dessus des bureaux de douane. Il faudra d’ailleurs que je m’habitue, pendant ces deux semaines à Téhéran, à voir l’Imam partout, avec les airs les plus divers – paternel, terrible, souriant, sérieux, protecteur, père fouettard – et sur tous les supports : affiches, cartes postales, tapis, nappes, assiettes, porte-clefs, badges…

Quant à l’autre avertissement : « fais attention avec ces fanatiques musulmans, on ne sait jamais », il m’a aussi fait sourire : tête nue comme nombre des Téhéranaises, j’ai pu me balader librement dans les rues de la capitale, sauf la nuit bien sûr, mais, alors, personne ne flâne dans les rues de Téhéran. Restent les fusils, bien présents il est vrai, surtout dans les mains des membres des « comités Khomeiny » postés derrière leurs sacs de sable à chaque carrefour, ou devant les immeubles officiels, les bureaux, les mosquées, les hôtels. La nuit ils tirent parfois au moindre prétexte, en l’air le plus souvent, ou vous mettent l’arme sous le nez pour une vérification d’identité. Mais autant l’avouer, je n’ai vu un fusil de très près que le jour où un garçon d’une quinzaine années, m’a fait, dans une