L’EDUCATION COMME QUATRIÈME PILIER DE L’HUMANITAIRE.
En quelques années, l’idée a fait son chemin, tant les besoins sont immenses et les crises nombreuses et durables.
Pour ma part, j’ai pu prendre la mesure de l’extrême importance de l’éducation, en situations de conflit, de crises et d’immédiat post-crise, à travers différentes missions effectuées au Kosovo, en Afghanistan, en Indonésie, au Sri Lanka, au Moyen-Orient, en Afrique, missions d’évaluation des besoins, de reconstruction et d’équipement d’établissements scolaires, de formations d’enseignants… Pendant les années 90 et surtout depuis le début des années 2000, des membres d’ONG, des acteurs de terrain, des chercheurs, des responsables d’organisations internationales et multilatérales, en particulier dans le cadre du HCR, de l’UNICEF, de l’UNESCO, de la Banque mondiale, ont conduit des interventions dans ce domaine, confronté leurs expériences, tiré les leçons des actions entreprises, affiné l’approche des problèmes, élaboré des procédures d’intervention, formé des intervenants.
Ainsi se sont créés des regroupements et des réseaux, par exemple le très actif réseau INEE (inter-agency network emergency education-réseau inter-agences pour l’éducation d’urgence), qui s’est constitué en novembre 2000 dans la foulée du sommet de Dakar sous l’égide de l’UNESCO, de l’UNICEF, du HCR, et qui regroupe, outre des adhérents individuels, des représentants d’agences onusiennes, de certains ministères de l’éducation, des ONG (notamment Save the children, Care, International rescue committee, Conseil norvégien pour les réfugiés, Catholic relief services…) des acteurs de terrain, des experts, des chercheurs.
Ce réseau défend la cause de l’emergency education et travaille à la circulation de l’information, la confrontation des expériences et des pratiques, l’ouverture de débats.
Il a aussi élaboré, à travers plusieurs consultations organisées dans le monde entier (Afrique, Asie, Amérique latine, Moyen Orient, Europe), des normes minimales d’éducation en situations d’urgence, de crise et de post-crise réunies depuis décembre 2004 dans un guide utilisable dans sa version papier et consultable en ligne. Ces normes visent différents objectifs (obtenir un minimum de qualité de l’éducation en situations de crise, améliorer la capacité prévisionnelle des acteurs humanitaires, fournir des outils pour l’action…).
Appartenant à ce réseau depuis plusieurs années, je ne peux que constater le trop faible investissement français et francophone, (qu’il s’agisse des ministères, des ONG, des formations à l’humanitaire, de la recherche en éducation…) dans ce champ de l’éducation en situations de crise et de post-crise. Et le regretter.
On ne peut en effet pas constamment se plaindre de “l’impérialisme américain” ou de “l’anglosaxonisation du monde” et pratiquer la politique de la “chaise vide”. Dans le domaine de l’éducation comme dans bien d’autres, ce sont dans des réseaux, dans des forums, des réunions et colloques que se forgent les problématiques, représentations, concepts, outils, normes qui deviendront vite ceux de la communauté internationale.