Eric Zemmour, le suicide français et la haine des femmes

Ce sont les pages sur le régime de Vichy qui ont suscité la majeure partie des critiques faites au dernier livre d’Eric Zemmour, Le suicide français. Et à juste titre beaucoup ont pris la parole et la plume pour rappeler ce qu’il convenait, à savoir que, contrairement à ce qu’affirme Zemmour, c’est bien le régime pétainiste qui a envoyé des Juifs de France et des Juifs français dans les camps de la mort.

Cette réhabilitation de Vichy n’est pas un accident ou bien une provocation collatérale, elle est en cohérence avec le reste du livre. En effet rendre Vichy responsable, c’est rendre la France responsable, donc la salir, donc contribuer à la détruire. Et tel est bien l’enjeu de ce gros livre : dresser la liste de tous les responsables de « la mort de la France ».

Certes, pour Eric Zemmour le déclin de la France remonte à bien des décennies, quasiment deux siècles puisqu’il a commencé avec la défaite de Waterloo et la fin du Premier empire. Déclin car la France n’est vraiment elle-même que si elle est impériale, non pas à travers un empire colonial ou une domination par la culture et par la langue, mais seulement comme une puissance dominante en Europe, et même de préférence dominante de l’Europe, la « grandeur de la France se confondant avec la gloire de ses armées ».

Si le déclin de la France a commencé avec Waterloo, il s’accélère, selon Eric Zemmour, avec mai 68 et les décennies qui suivent cet épouvantable évènement, réduit, soit dit en passant, à quelques slogans et aux « enragés » alors qu’il s’est agi d’une très grande et très longue grève ouvrière, une grève faite par ce « peuple » que Zemmour prétend tellement aimer et tellement défendre. Il est vrai que pour lui, le « peuple » – on a la précision à la page 525 du livre – se compose aujourd’hui plutôt des « bonnets rouges bretons » et des « manifestants contre le mariage pour tous ».

Le puzzle zemmourien du « suicide français » comprend de nombreuses pièces : la mondialisation libérale, le capitalisme financiarisé, l’Europe bruxelloise, l’euro, l’Angleterre, l’Allemagne forcément « hégémonique », les USA, les anglo-saxons, les protestants, mais aussi mai 68, les gauchistes, la gauche (mais pas les communistes qui ont eu le courage de défendre le « produire français » et la nation française), la droite (de l’extrême droite rien n’est dit), le centre, les antiracistes, les différents communautarismes, surtout juif et musulman, les écologistes, les homosexuels, les technocrates, les bobos, les immigrés, les féministes, j’en oublie sûrement, forcément le livre fait plus de 500 pages !

Comme Zemmour fait feu de tout bois, pioche chez les uns et les autres, s’en prend à beaucoup et aborde de nombreux sujets, il est possible de trouver telle ou telle partie de l’exercice pertinente et juste. Mais c’est l’ensemble, le systématisme du réquisitoire qui fait problème, tout se passant en effet comme si les nombreux responsables énoncés ci-dessus étaient les multiples composantes d’un vaste complot visant à détruire la France, multiples composantes alliées les unes aux autres, complémentaires les unes des autres. J’ajoute que dans le logiciel de Zemmour, pas de place pour la nuance, la complexité, la reconnaissance qu’il peut y avoir, au sein de tel ou tel courant de pensée, de tel ou tel mouvement des différences, des divergences, des désaccords. Non, il faut s’en tenir au global, et même globaliser à outrance, les partisans de l’Europe par exemple étant forcément tous complices de la dérive libérale, les soixanthuitards pensant forcément tous la même chose, les antiracistes aussi, les bobos aussi, eux qui d’ailleurs habitent, n’est-ce pas, les mêmes quartiers (c’est-à-dire sous la plume de Zemmour aussi bien, pour les parisiens, le Marais que Belleville, comme si le prix de l’immobilier y était le même !).
Il serait trop long de passer en revue dans cet article toutes les pièces du puzzle, je m’en tiens à l’une d’entre elles, parce qu’elle me concerne de près mais aussi parce que Eric Zemmour fait du féminisme et même des femmes en général l’une des causes principales de cette « mort » de la France qui le chagrine tant.

Résumons : dans l’alliance mortifère « du libéralisme économique et du libéralisme sociétal », le féminisme tient une place centrale puisqu’il est responsable de la fin du patriarcat, de la mort du père, (c’est un leitmotiv), de la fin du mariage, de la fin de la famille, de la fin de la virilité, de la féminisation de la France et donc de son avachissement (les deux sont synonymes), et même du développement de la société de consommation et de la financiarisation de l’économie. Les pères d’avant « contenaient les pulsions consommatrices » tandis que les femmes, elles, sont des agents du consumérisme et donc du grand marché libéral ! Ainsi les femmes qui f