Sarkozy, Kadhafi, Rama Yade, Kouchner… 12 décembre 2007

 

Kadhafi a fait des progrès, la Lybie n’est plus un état voyou, ou terroriste, on peut discuter avec le colonel, il faut l’aider à progresser encore etc. C’est ce que nous disent, nous répètent les tenants de la realpolitik qui, quand même, veulent, un peu, un tout petit peu, enrober les contrats, les chèques, les milliards d’un papier écran.

Cette visite à Paris, cette réception avec tapis rouge, gardes républicains, dîner à l’Elysée déshonore la France, nous disent les autres qui rappellent, eux, les attentats, la prise d’otage des infirmières bulgares, l’absence de démocratie, le non-respect des droits de l’homme, les prisonniers politiques, l’antisémitisme etc.

Mais pas un mot, pas un seul mot dans les communiqués, pétitions, déclarations sur ce qui est sans doute l’une des raisons, sinon la principale, de la réhabilitation du colonel Kadhafi sur la scène internationale, à savoir la manière dont la Libye traite les émigrés subsahariens, pour la plus grande satisfaction de la plupart des pays européens et de l’Union européenne.

Quand les immigrés, essentiellement africains, par dizaines, par centaines, au fil des mois et des années, se noient dans l’Atlantique ou la mer Méditerranée, franchement, ça dérange nos consciences droitsdel’hommienne.
Ce serait tellement mieux si tous ces Africains n’essayaient même pas d’entrer, en tout cas pas en plus grand nombre que celui dont nous avons besoin pour faire les travaux que nous ne voulons pas accomplir.
Ce serait tellement mieux, oui, si nous n’étions pas obligés de les refouler, de les expulser, de les enfermer dans des centres qui nous rappellent, n’est-ce pas, de mauvais souvenirs. Ce serait tellement mieux si certains pays non européens, des pays de transit, des pays tampons, les retenaient chez eux.

Retenir les immigrés, le colonel Kadhafi s’y emploie et a positionné son pays à l’avant-garde de la lutte européenne contre les exilés, avec des rafles massives, y compris de Maliens, de Nigérians, de Soudanais vivant là-bas depuis plusieurs années parce qu’ils avaient trouvé du travail et qui n’avaient nullement l’intention d’aller en Europe.
Il n’y a pas que les rafles, il y a les camps aussi : conversion de ceux créés pour réprimer la « rébellion tchadienne » en camps pour exilés ou bien installation de « centres fermés pour immigrés » construits avec l’aide de l’Italie, par exemple. Soit dit en passant, en 2004, le président du conseil italien, à ce moment-là Berlusconi, a inauguré, avec Kadhafi, un gazoduc de 520 kilomètres, le plus grand de la Méditerranée, le greenstream.  Il va de Mellitah en Libye jusqu’à Gela en Sicile, soit à peu près le chemin parcouru par les barques des migrants, avant que les autorités italiennes les remettent dans des avions qui les ramèneront en Libye. Exportation du gaz libyen, réexpéditions des émigrés en Libye, honni soit qui met les deux en rapport !

La France aussi, gauche et droite confondues, est bien contente que la Libye, avec d’autres, joue ce rôle. L’Union européenne aussi qui, depuis plusieurs années maintenant, externalise des procédures d’immigration avec notamment le report du contrôle des frontières au-delà des siennes dans la mise en oeuvre d’un donnant-donnant international qu’il est possible d’ainsi résumer : tu retiens les immigrés, je lève les sanctions économiques, ou politiques, ou financières.

Evidemment nous faisons des rappels à l’ordre, nous nous gargarisons de grands mots, faut respecter les droits de l’homme, et la convention de Genève sur les réfugiés. Sinon gare à eux ! Et l’on ne mégote pas, l’on inclut cette clause dans les accords, les traités, les conventions de partenariat et de coopération, et qu’ils le sachent, on les aura à l’œil, n’est-ce pas, une motion par-ci, une visite de parlementaires par-là…Mais quand les parlementaires viennent, justement, ce jour-là, les camps sont vides. Ou bien peuplés de quelques malheureux qui s’affirment totalement satisfaits de leur situation !

Franchement, plutôt que les haut-le-coeur, les indignations soigneusement médiatisées, comme celles de la secrétaire d'Etat, madame Rama Yade, qui se construit ainsi, pour pas cher, au rabait, une petite figure de résistante, on aimerait mieux le silence.

 

Sur ce sujet, à lire notamment l'excellent ouvrage : « Le retour des camps » Olivier Le Cour Grandmaison, Gilles Lhuillier, Jérôme Valluy. Ed. Autrement. Paris. 2007.

Voir aussi le site de Terra

 

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