J’ai remis au ministre de l’Education nationale, en mars 2005, un rapport de propositions pour la création d’un dispositif français permettant l’intervention éducative en situations de crise et de post-crise.
Ce rapport est hélas resté sans suite.
Je rends publics quelques constats et propositions qui peuvent donner des idées aux uns et aux autres, aux établissements scolaires, aux universités, aux rectorats, aux ministères, aux associations, aux collectivités territoriales, aux individus…
Extraits du rapport
1 L’éducation en situations d’urgence, de crise et de post-crise : une exigence qui a fait son chemin
ASSOCIER LES MOTS EDUCATION? URGENCE? CRISE? N’EST-CE PAS PARADOXAL? L’éducation, par essence, ne suppose-t-elle pas la durée, la lenteur, la stabilité, la tranquillité et même un minimum de confort ?
Et pourtant, combien d’enfants dans le monde, vont à l’école dans des conditions matérielles, sociales et psychologiques extrêmement difficiles et précaires ? Combien d’enfants aussi n’y vont pas et voudraient y aller ?
Voudraient y aller car le désir d’école se manifeste et s’exprime même lorsque aucune des conditions pour le satisfaire ne paraît réunie.
Pour n’évoquer que quelques observations personnelles, ce désir d’école, j’ai pu en prendre la mesure et le voir à l’oeuvre pendant l’été 1999, lorsque les réfugiés kosovars ont commencé à rentrer chez eux, venant des camps d’Albanie et de Macédoine.
Je l’ai retrouvé, identique, non, encore plus vif, lorsque les jeunes afghans, filles et garçons, et leurs professeurs, femmes et hommes, se sont assis, dans le froid de l’hiver 2002 et avant même la rentrée scolaire officielle, dans des locaux en ruine ou sous des tentes de fortune, au sortir de la nuit des talibans qui avait des années durant, recouvert leur pays. Et même pendant cette sombre et cruelle période, des professeurs courageux ont continué, on le sait, à enseigner à des garçons et à quelques filles.
Et je l’ai encore constaté, en janvier 2005, dans les pays d’Asie du Sud ravagés par le tsunami.
A ces témoignages personnels, d’autres pourraient être ajoutés, faits par tous ceux qui, à un moment ou un autre, dans tel ou tel pays, ont pu être confrontés à cet appétit d’école, ainsi qu’à ce défi de l’éducation en situations d’urgence que la communauté internationale doit relever, hélas sans cesse davantage, compte tenu de la persistance des antagonismes politiques, sociaux, ethniques, religieux qui ont des effets toujours désastreux pour les populations et singulièrement les enfants.
Conflits, guerres, crises, situations d’instabilité, catastrophes naturelles, camps de réfugiés, installations précaires dans des villages en ruine, dans des quartiers détruits, l’école est une nécessité qui demeure, un désir qui doit être satisfait, une exigence à laquelle il faut répondre.
Soigner, nourrir, vêtir, abriter, consoler oui. Et aller à l’école.
C’est-à-dire commencer ou recommencer quelque chose de la vie normale, ordinaire, même si hélas de nombreux enfants encore maintenant, et particulièrement les filles, surtout les adolescentes, ne connaissent pas cette normalité-là, cet ordinaire-là.
Recommencer dans le présent. Et se tourner vers l’avenir. Et espèrer en lui.
Le retour à l’école, la poursuite d’un enseignement sont désormais considérés comme comme l’une des composantes de l’urgence, en tout cas de l’immédiate post-urgence.
Depuis plus d’une décennie maintenant, un pas a été franchi.
Inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, repris par un grand nombre de conventions internationales (dont la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989), le droit à l’éducation, trop longtemps considéré comme ne relevant pas de l’urgence, est devenu une exigence, même dans les situations de crise et de immédiate post-crise. D’exigence, l’éducation doit devenir un impératif.
Le Forum mondial sur l’éducation pour tous qui s’est tenu à Dakar en avril 2000 et qui a organisé une session sur le thème ” Eduquer en situations d’urgence et de crise ” a invité, dans une recommandation, les pays à ” répondre aux besoins de systèmes éducatifs subissant le contrecoup de conflits, de catastrophes naturelles ou de situations d’instabilité “.
2 Un champ peu investi par la France
Ce champ de l’éducation en situations d’urgence a été jusqu’à présent peu investi par la France, qu’il s’agisse des ministères, des ONG, des organismes de formations et de recherches.
*Peu investi par l’Etat :
Du côté du ministère des Affaires étrangères, la Délégation à l’action humanitaire s’en tient aux domaines habituels de l’action humanitaire d’urgence, ne s’occupant pas d’éducation. Celle-ci est considérée comme un secteur de la coopération conduite par la DGCID (Direction générale de la coopération internationale et du développement) et par les SCAC (services de coopération et d’action culturelle) des ambassades, et est totalement dissociée de l’urgence et de l’humanitaire. Même lorsque les postes comprennent un attaché humanitaire, il ne prend pas à compte l’action éducative.
Le ministère de l’Education nationale, quant à lui, conduit ses actions de coopération éducative traditionnelles et ne dispose pas des intruments permettant une intervention éducative en situations d’urgence.
Les actions moins habituelles menées au Kosovo à partir de l’été 1999 et en Afghanistan à partir de janvier 2002 (dans les deux cas réhabilitations/reconstructions d’établissements scolaires, appui à la rescolarisation, appui aux enseignants, en partenariats avec des collectivités territoriales, des ONG ou des associations) n’ont hélas pas débouché sur une inscription institutionnelle d’un dispositif.
Contre toute attente, le seul ministère à intervenir (en particulier nettoyage-réhabilitation-reconstruction d’écoles et même parfois appuis aux élèves et aux enseignants) est le ministère de la Défense nationale, lorsque la France, pour une raison ou une autre, envoie des forces armées sur le terrain et qu’elles comprennent des personnels relevant des ACM (Actions civilo-militaires).
Par ailleurs, il faut noter, s’agissant de l’intervention, tous domaines et secteurs confondus, en situations de crise et de post-crise, que la France ne possède pas une agence (souvent en charge et de l’intervention d’urgence, du post-crise et de la coopération) à l’instar de nombreux pays (DFID pour la Grande Bretagne, USAID pour les Etats-Unis, GTZ pour l’Allemagne, CIDA pour le Canada, SIDA pour la Suéde, DANICA pour le Danemark, d’autres encore).
*Peu investi par les ONG et associations
Des ONG françaises interviennent dans le secteur de l’enfance mais très peu dans le secteur de l’éducation au sens strict. Quant aux associations qui agissent dans ce domaine, ou bien elles n’ont qu’une activité internationale relative ou bien elles ne se manifestent pas ou peu dans le champ de l’éducation en situations d’urgence.
Citons toutefois Aide et action (surtout des actions de parrainage pour l’accès à l’école primaire) ou encore Solidarité Laïque qui conduit des programmes d’actions éducatives (distribution de fournitures, réhabilitations d’écoles, soutiens et partenariats pédagogiques, appui administratif), par exemple en Afghanistan ou en Haïti ou au Sri Lanka.
*Peu investi par les universités, les instituts ou centres de recherche sur l’éducation .
Les thématiques des formations supérieures à l’humanitaire (masters, DESU, DU, DESS, DEA) portent sur le droit, la santé, les secours, la sécurité, la gestion, les enjeux géopolitiques, le développement etc. mais quasiment jamais sur l’éducation et encore moins sur l’éducation en situations d’urgence.
Il est donc impossible de ne pas faire le constat d’une absence, à tout le moins d’une présence fort relative de la France dans ce champ.
Pourtant, pendant les années 90 et surtout depuis le début de ce siècle, des membres d’ONG, des acteurs de terrain, des chercheurs, des responsables d’organisations internationales et multilatérales, en particulier dans le cadre du HCR, de l’UNICEF, de l’UNESCO, de la Banque mondiale, ont conduit des interventions dans ce domaine, confronté leurs expériences, tiré les leçons des actions entreprises, affiné l’approche des problèmes, élaboré des procédures d’intervention, formé des intervenants.
Ainsi se sont créés des regroupements et des réseaux, par exemple le très actif réseau INEE (inter-agency network emergency education-réseau inter-agences pour l’éducation d’urgence), qui s’est constitué en novembre 2000 dans la foulée du sommet de Dakar sous l’égide de l’UNESCO, de l’UNICEF, du HCR, et qui regroupe, outre des adhérents individuels, des représentants d’agences onusiennes, de certains ministères de l’éducation, des ONG (notamment Save the children, Care, International rescue committee, Conseil norvégien pour les réfugiés, Catholic relief services…) des acteurs de terrain, des experts, des chercheurs.
Ce réseau défend depuis plusieurs années la cause de l’emergency education et travaille à la circulation de l’information, la confrontation des expériences et des pratiques, l’ouverture de débats.
Il a aussi élaboré, à travers plusieurs consultations organisées dans le monde entier (Afrique, Asie, Amérique latine, Moyen Orient, Europe), des normes minimales d’éducation en situations d’urgence, de crise et de post-crise réunies depuis décembre 2004 dans un guide utilisable dans sa version papier et consultable en ligne. Ces normes visent différents objectifs (obtenir un minimum de qualité de l’éducation en situations de crise, améliorer la capacité prévisionnelle des acteurs humanitaires, fournir des outils pour l’action…).
Force est de constater que la participation française à l’INEE, à un titre ou un autre (ministériel, universitaire, associatif, individuel), est excessivement faible et que son travail est largement méconnu par la France.
Pourtant, dans le domaine de l’éducation comme dans bien d’autres, ce sont dans des réseaux de ce genre, dans des forums, des réunions et colloques que se forgent les problématiques, représentations, concepts, outils, normes qui deviendront vite ceux de la communauté internationale. C’est aussi là que se joue l’influence.
Ce serait une erreur d’estimer que l’influence ne s’exerce et ne se développe qu’à travers la formation des élites.
L’éducation de base – comment désormais l’ignorer ? – est un enjeu aussi important que l’enseignement supérieur pour construire et exercer une influence.
Et de même que l’éducation est devenue, chacun le sait, un enjeu financier, l’éducation en situations d’urgence (avec les compétences et les expertises qu’elle requiert) est en train de devenir et un lieu d’influence et un marché puisque, ainsi que le souligne Margaret Sinclair, ” les bailleurs de fonds s’intéressent de plus en plus à l’éducation de populations touchées par un conflit “.
De surcroît, s’agissant de l’éducation, entre urgence, réhabilitation, reconstruction, développement, les frontières sont floues, les besoins superposés, la transition rapide : ce qui s’amorce dans l’urgence se poursuit dans les phases suivantes et débouche le plus souvent sur des positionnements de coopération.
Pour le dire sans ambages, si la compassion à l’égard du genre humain en général et des enfants en particulier, si la conviction que l’éducation est un droit pour tous ne sont des motivations suffisantes à certains, l’intérêt bien compris devrait combler ce manque !
3 Contextes, situations, besoins et tâches
Par définition, les situations d’urgence, de crise, de post-crise échappent au fonctionnement ordinaire, qu’il s’agisse de catastrophes naturelles, de conflits, de guerres.
Les appuis, aides, actions s’effectuent dans un contexte de bouleversement, de déstabilisation, de désolation, de traumatismes, de souffrances physiques, affectives et morales.
Si les situations peuvent être variables et si chacune a ses spécificités et ses particularités, quelques caractères cependant sont souvent récurrents : interruption, voire impossibilité du fonctionnement antérieur, problèmes d’eau, de soins, d’hébergement, difficultés d’approvisionnement, déplacements des populations, destructions des maisons, des services sociaux, des infrastructures de communication, habitats précaires, camps de réfugiés, insécurité, poursuite éventuelle du conflit, rupture des circuits de financements, activités économiques interrompues, pertes des revenus etc.
Par ailleurs ces situations, pas toujours mais souvent, surtout si elles ont été fortement médiatisées, sont le théâtre de nombreux acteurs : aux populations et autorités du pays s’ajoutent en effet les ” internationaux “, c’est-à-dire des ambassades, des forces armées, des agences onusiennes, des organisations internationales et multitalérales, des bailleurs, des ONG, acteurs nombreux, chacun avec ses enjeux, ses objectifs, ses moyens, ses intérêts et dont la coordination est à la fois absolument nécessaire et quasi impossible.
Donner une réalité à l’éducation en temps de crise et d’immédiate post-crise, contribuer à une rescolarisation aussi rapide que possible, de tels objectifs supposent que les besoins soient identifiés.
Encore une fois, par delà des particularités, et avec la conscience qu’aucune situation n’est semblable à une autre, il est possible, en dressant le tableau à très grands traits, d’énoncer les besoins les plus fréquents, sachant que la transition est souvent rapide entre la phase d’extrême urgence, celle de la réhabilitation, celle de la reconstruction :
installation de lieux permettant la reprise d’activités d’enseignement,
réhabilitations et reconstruction d’établissements scolaires,
fournitures scolaires et équipements pédagogiques,
reconstitution des équipes pédagogiques et administratives,
appui financier aux enseignants et parfois aux familles,
formation des enseignants et formation de formateurs,
reprise et développement de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, (en particulier pour répondre aux nécessités de la reconstruction)
aides au traitement des traumatismes liés à la guerre, à la perte des proches, à l’exil, aux violences subies,
aide à la scolarisation des filles,
organisation du rattrapage scolaire,
reconversion des enfants soldats…
Je le répète, c’est un tableau brossé à très grands traits. Et aucune situation ne ressemble à une autre.
C’est la raison pour laquelle la première tâche à accomplir, si l’on souhaite apporter une aide efficace, est d’organiser une mission de terrain destinée à prendre la mesure de la situation, de son contexte, à faire une évaluation aussi complète que possible des besoins dans le domaine de l’éducation, des ressources locales disponibles, des acteurs et opérateurs locaux et internationaux potentiels.
Cette première mission d’identification est importante, essentielle.
Elle ne peut pas, elle ne doit pas se faire entre deux avions. Elle suppose du temps, un temps nécessaire si l’on veut répondre aux besoins des enfants, adolescents et adultes concernés.C’est à partir de cette mission que pourra s’organiser l’action à conduire, en fonction des moyens humains et financiers disponibles.
Les actions éducatives devront être identifiées, construites et mises en oeuvre avec les populations qu’elles concernent, sans prétendre apporter et encore moins imposer un modèle et en tenant compte des réalités et spécificités régionales.
Elles tiendront compte aussi de quelques principes, notamment le souci de la sécurité des élèves, l’accès égal de tous (traitement, autant qu’il est possible, des discriminations liées au sexe, à la race, à l’ethnie…)
4 Huit propositions
Rien de moins improvisé que l’intervention en situations d’urgence. L’urgence ne signifie pas faire n’importe quoi à la va vite.
Pour être réactif et efficace, il faut être prêt. Pour être prêt, il faut se préparer.
L’émotion, les bonnes volontés, la générosité sont nécessaires. Elles ne sont pas suffisantes.
Pour qu’elles ne tournent pas à vide, pour qu’elles ne se limitent pas à des dons à l’aveugle, sans projets, sans programmes, pour qu’elles débouchent sur de l’opérationnalité, elles doivent se combiner avec des compétences, des savoirs faire, avec une intelligence des situations.
L’éducation nationale dispose, à l’évidence, de ce potentiel d’engagement, de générosité, de compétences.
Il convient de le mobiliser et de l’organiser.
Proposition 1 : constituer un réseau d’intervenants.
Qui ?
* Les intervenants nécessaires peuvent se recruter parmi les divers personnels de l’Education nationale : enseignants (primaire, secondaire, supérieur, enseignement général et technique), personnels éducatifs et de santé, personnels d’encadrement (corps d’inspection, chefs d’établissement, chefs de travaux), personnels d’administration et de services.
En effet les besoins étant variés et parfois variables selon les situations, une diversité de compétences peuvent être utiles et utilisables.
Aux personnels en activité peuvent être adjoints des retraités, par l’intermédiaire de regroupements existants, tel le GREF (Groupement des retraités éducateurs sans frontières) ou à titre individuel, sous réserve du réglement de questions d’ordre administratif.
Deux paramètres incontournables : que ces personnels soient volontaires, qu’ils maîtrisent l’anglais .
Par ailleurs capacités d’adaptation, disponibilité, compétences dans les secteurs correspondant aux besoins. Capacités d’écoute aussi, d’ouverture, de respect et, ajoutons-le, de modestie : ne pas arriver sur le terrain en pensant tout savoir ou avec la volonté d’imposer ses modèles.
Pour quoi faire ?
* S’investir dans la mobilisation sur la scène française (collectes de fonds, préparation des missions, débats, montages de projets etc.)
* Réaliser les tâches de terrain répondant aux besoins identifiés ainsi qu’aux projets à mettre en oeuvre pour y répondre.
Ainsi se constituerait un réseau de ” french teachers ” (ce mot pris dans un sens large), motivé et prêt à agir le moment venu.
Proposition 2 : constituer un réseau d’établissements
* Identifier les établissements (écoles, collèges, lycées, grandes écoles, universités, IUT, IUFM…) prêts à s’investir dans un certain nombre de missions et tâches, sur la scène française ou dans la zone concernée.
Celles-ci peuvent être d’ordre divers : collectes de fonds, appui à la reconstruction d’une école ou d’un atelier, correspondances entre élèves, échanges par l’internet, échanges d’élèves, soutiens financiers, appui à la relance d’une formation technique, partenariats pédagogiques, parrainages, formation d’enseignants etc.
* L’identification des deux réseaux sera principalement effectuée par les recteurs, mobilisés par un appel du Ministre.
Sera constituée dans chaque rectorat une petite cellule en charge de cette identification, de la circulation de l’information, de la mise en réseau des personnels et des établissements.
Cette cellule sera en correspondance avec la coordination centrale (voir ci-dessous).
Un profil plus précis des intervenants à identifier sera élaboré et fourni aux rectorats
Remarques :Ce travail d’identification, tant des personnes que des établissements, pourra s’appuyer sur des réseaux, compétences, activités déjà existants (missions à l’étranger, actions de solidarités, de coopération ou d’aide au développement, écoles associées de l’Unesco…)
Les missions de courte durée sont statutairement possibles pour les personnels (Etude en cours par la direction des personnels enseignants sur les modalités des missions à l’étranger). Sauf la première mission d’identification, les missions pourront être organisées relativement à l’avance.
Proposition 3 : construire la formation des intervenants
L’intervention en situation d’urgence suppose une formation. Les compétences peuvent évidemment s’acquérir sur le terrain. Mais l’efficacité est d’autant plus grande que les réalités ont été anticipées.
Formation continue :
* Cette formation aura pour objectif l’appropriation des expériences, travaux, outils savoirs, savoirs faire relatifs à l’éducation en situations d’urgence, qui a des points communs avec l’éducation en général mais aussi ses spécificités, bref s’approprier une culture.
On pourrait commencer par une formation pilote centralisée (positionnée à l’ESEN -Ecole supérieure de l’éducation nationale – ou au CIEP – Centre international d’études pédagogiques).
Un programme de cette formation sera établi et les différents intervenants identifiés.
Ultérieurement une formation à l’éducation en situations d’urgence serait inscrite dans les PAF (plan académique de formation).
Ces formations pourront être organisées en partenariat avec des organisations internationales ou des ONG, françaises et étrangères.
A signaler des formations existantes se déroulant en France, telle celle organisée par l’IIPE (Institut international de planification de l’éducation) et la Banque mondiale sous la forme d’une Université d’été de deux semaines à Paris ou bien la formation organisée par l’Union européenne et l’ENA ” formation aux enjeux civils de la gestion des crises ” qui comprend un petit volet consacré l’éducation en situations d’urgence (post-crise et reconstruction).
Les modules de formation créés pourraient aussi bénéficier, le cas échéant, aux attachés humanitaires positionnés dans les ambassades françaises ainsi qu’aux conseillers de coopération et d’action culturelle (souvent issus de l’éducation nationale)
Ainsi pourrait s’acquérir une culture de l’éducation en situations d’urgence et se développer le réflexe de penser rapidement aux enjeux de l’appui éducatif.
Formation initiale
* Favoriser l’inscription des thématiques de l’éducation en situations d’urgence, de crises et de post-crise dans les formations universitaires lièes aux sciences de l’éducation, à aux politiques éducatives, à l’humanitaire, aux politiques de développement et de coopération ou dans les formations considérées comme préparant à un emploi dans les ONG.
A signaler ici le travail commencé par l’université Toulouse I avec, en octobre 2004, l’organisation de rencontres Universités/ONG, et les projets de création d’un ” répertoire des actions Universités/ONG en France ” et de mise en place d’une coordination ” Fac.sans frontières ” pour ” répondre à des situations d’urgence internationale dans le domaine universitaire” en regroupant ” un certain nombre d’universités, d’enseignants et d’étudiants motivés “.
Organiser une réunion avec les universités et la CPU (conférence des présidents d’université) autour de ces enjeux.
Proposition 4 : organiser la communication
* Populariser au sein de l’éducation nationale la thématique ” éducation en situations d’urgence ” de manière à développer le réflexe de l’éducation comme composante de l’humanitaire.
Outils : site internet pour informations, ressources, mise en réseau des intervenants (personnes et établissements), liens interactifs avec les webs rectoraux, liens avec les autres sites qui existent sur le même thème etc.
plaquettes, brochures, revues…
actions avec les CNDP, CRDP, Clemi, professeurs documentalistes …
* Inciter les instituts de recherche et d’études français à travailler le champ de l’éducation en situations d’urgence.
Pour ne citer que deux exemples étrangers, parmi d’autres, j’indique que le centre d’études sur les réfugiés de l’Université d’Oxford travaille ces questions et vient de publier un numéro de la revue ” Migration forcée ” titré : ” L’éducation dans les situations d’urgence : l’apprentissage pour un futur paisible ” ou encore que la Columbia University pilote un programme de recherches sur ce thème.
Proposition 5 : constituer un pôle d’opérateurs partenaires
Pour conduire et mettre en oeuvre les appuis et interventions de terrain, il faut identifier des opérateurs, opérateurs qui peuvent varier selon les zones et les activités conduites.
Cette nécessité concerne particulièrement les projets de création de lieux scolaires ou de réhabilitation/reconstruction d’établissements.
Après une mission d’identification des actions les plus urgentes, en fonction des populations concernées (camps de réfugiés, retour au pays, réinstallation dans les villages ou villes, même dans des conditions précaires, même sous des tentes).
Les projets sont mis en oeuvre par des associations ou ONG présentes durablement sur le terrain.
Il est enviseageable de passer, en amont, une convention cadre, un peu sur le modèle du contrat cadre de partenariat d’ECHO (Office d’aide humanitaire de la commission européenne) avec des ONG existantes qui ont déjà une expérience dans ces domaines et qui deviendraient des partenaires en quelque sorte a priori du ministère.
A titre de sondage, j’ai approché deux ONG françaises, ACTED et Solidarités, qui toutes deux ont déjà travaillé avec des ministères français ou des organisations européennes notamment dans les domaines de la réhabilitation/reconstruction d’infrastructures, d’abris, d’habitats, d’écoles…
Ces deux ONG, de taille moyenne, ont accueilli tout à fait favorablement cette hypothèse de partenariat en quelque sorte privilégié.
Ces ONG pourraient même réfléchir à la constitution, en leur sein, d’une branche ou d’un département éducation, du moins sous l’angle de la reconstruction/équipements.
D’autres peuvent être contactées dans la perspective de constituer un pôle d’opérateurs dans ce domaine.
Je souligne à nouveau que l’engagement dans des réhabilitations/reconstructions/ équipements d’établissements scolaires, voire universitaires, facilitent grandement les appuis et partenariats pédagogiques.
Proposition 6 : mettre en synergie des financements publics et privés.
La ” contribution du ministère de l’éducation nationale à l’aide et à l’appui éducatifs en situations de crise et de post-crise ” a un coût.Il faut en effet pouvoir financer le travail à conduire en amont (organisation, identification, formation, communication…), les missions et les actions de terrain.
Si certains des financements peuvent être estimés en amont, d’autres dépendent, à l’évidence, de l’ampleur des actions conduites. Et qui dit urgence et crises dit imprévisibilité (du moins partielle) et nécessité d’un décaissement rapide.
A ma connaissance, dans sa configuration financière actuelle, le MENESR ne dispose pas d’un fonds d’urgence ou d’une ligne de crédits de crise pour une action à l’international. De même on m’indique que les règles des financements publics interdisent de disposer d’une réserve, d’une caisse spéciale pour des actions ou interventions non programmées à l’avance.
Une étude en cours menée par la direction des affaires financières dira s’il est possible de trouver ou de créer cet outil financier.
Quoi qu’il en soit, il convient de choisir un dispositif financier permettant une intervention à la fois rapide et conséquente, c’est-à-dire associant financements ministériels, financements des collectivités territoriales, financements privés.
Seule cette synergie financière permettra d’être efficace.
Du côté des collectivités territoriales :
L’intérêt porté par les régions, départements, municipalités aux interventions éducatives est réel et constant. Outre leurs actions de coopération internationale, ces collectivités peuvent être réactives à l’urgence, singulièrement dans le domaine de l’éducation.
A titre d’exemple, ce sont principalement des collectivités territoriales qui ont financé les opérations françaises de reconstructions et d’équipements d’écoles et de lycées au Kosovo à partir de l’automne 1999 et de certaines opérations d’appui pédagogique (notamment les régions Rhône Alpes, Ile de France, Champagne Ardennes, Lorraine, Basse Normandie, villes de Caen, de Lutterbach, de Paris, de Toulouse…)
A d’autres occasions encore, les collectivités territoriales françaises ont témoigné de leurs capacités de mobilisation et d’engagement dans des situations de crise et de post-crise (conflit ou catastrophe naturelle) tandis qu’elles ont à leur avantage des procédures financières relativement souples et rapides (plus que celles de l’Etat).
On pourrait d’ailleurs imaginer que ces collectivités – ou certaines d’entre elles – affectent un pourcentage, petit mais régulier, de leur budget éducatif à un fonds qui serait consacré à des actions éducatives en situations d’urgence (en particulier des reconstructions et d’équipements d’établissements scolaires). Ceci n’étant pour le moment qu’une hypothèse, ou une suggestion.
Il est certain qu’ajouter, à la synergie évidente des expertises et compétences éducatives entre le ministère de l’Education nationale et les collectivités territoriales, une synergie financière serait profitable à l’action.
Du côté des financements privés :
La récente catastrophe (tremblement de terre et tsunami) en Asie du Sud l’a encore montré : les dons privés (particuliers, entreprises…) peuvent être importants.
A une générosité qui s’exerce parfois à l’aveugle, sans projets, il conviendrait de substituer une générosité ciblée et l’urgence éducative constitue à coup sûr un fléchage pertinent.
Ainsi cette combinaison de financements serait-elle la bonne manière de faire avancer dans la pratique la cause de l’éducation en situations d’urgence.
Proposition 7 : créer le GIP ” France urgence éducation ” ou FURED
A l’évidence, la préparation de l’action et l’action elle-même supposent impulsion, coordination, planification, pilotage, organisation.
L’action en situations d’urgence exige de surcroît d’échapper aux procédures administratives et financières habituelles.
Pour remplir les tâches, missions et actions précédemment évoquées et pour associer financements publics et privés, il faut une structure porteuse qui ne peut pas se confondre avec une direction de l’administration centrale. Cette structure pourrait être un groupement d’intérêt public (GIP), structure légère et souple, disposant de la marge de manoeuvre qu’exige la réactivité nécessaire.
Il peut organiser des missions, passer des conventions avec des opérateurs publics ou privés, mettre en oeuvre des actions de terrain, participer à des réseaux, offrir des services diversifiés, mettre en synergie compétences, expertises et financements. Ajoutons que l’action de ce GIP contribuerait à identifier encore davantage qu’actuellement l’expertise du ministère de l’éducation nationale, à la mobiliser, à la former aux situations de crise et de post-crise, ce qui s’articule parfaitement avec les missions assignées à France coopération internationale.
Dans leur rapport de l’automne 2004, La rénovation de l’expertise technique, un défi français, E.Wattez et C. Connan soulignent que différents ministères disposent d’organismes (association, GIP ou société anonyme) visant ” à rendre l’offre française plus compétitive dans la compétition internationale ” et notent : ” il est frappant de constater que c’est dans les secteurs où n’existe aucune structure de ce type (éducation et santé) que les parts de marché française sont les plus faibles et même dérisoires “. (Depuis un GIP santé a été créé).
Ce GIP pourrait regrouper, sous réserve d’une étude juridique plus précise, outre le MENESR, d’autres partenaires (examen à conduire : le CIEP ? Des collectivités territoriales (ou des associations les rassemblant) ? la Caisse des dépôts consignations ? (qui a participé naguère à la structure Développement local Balkans avec le MAE et des collectivités territoriales).
Ce GIP aurait un correspondant rectoral. Il sera à la tête de la petite cellule indiquée dans la proposition 2. Il sera choisi par le recteur sur la base du volontariat et autant pour sa personnalité (dynamisme, intérêt porté aux questions traitées etc) que pour sa fonction.
Proposition 8 : créer une cellule, temporaire, pour la mise en route de ces propositions.
* Cette cellule, placée sous l’autorité directe du Ministre, pourrait être composée d’au moins trois personnes (plus un secrétariat).
Elle devra comprendre, à tout le moins, les compétences suivantes:
la maîtrise, par expérience et travail antérieur, des enjeux, questions et réalités liés à l’éducation en situations d’urgence,
des compétences administratives, juridiques et financières avérées,
des compétences informatiques,
une connaissance du fonctionnement des collectivités territoriales, des agences et organisations internationales et multilatérales, du champ de l’humanitaire, des ONG et du monde associatif,
une maîtrise minimale de l’anglais.
* Cette cellule, temporaire, procéderait à la création du GIP ” France Urgence Education “, et commencerait, missionnée par le Ministre :
le travail de présentation et de popularisation au sein du ministère de la thématique ” éducation en situations d’urgence ” (présentation des enjeux aux inspections générales, directions, recteurs, corps territoriaux, équipes académiques etc. ; création du site internet, tournée des rectorats, rencontres avec les universités, les centres de recherche …)
L’identification et la constitution du réseau d’intervenants (personnes et établissements)
L’organisation d’une première formation pilote
Le développement des contacts et relations avec les ONG et associations intéressées à une action dans ce domaine et à un partenariat avec le GIP avec études des conventions-cadres à passer.
Le contact et le développement des relations avec les collectivités territoriales
Le contact avec les autres ministères (en particulier Affaires étrangères et Défense nationale).
Le contact avec les organisations européennes ( en particulier la direction générale de l’aide humanitaire, ECHO), multilatérales et internationales (UNESCO, UNICEF, INEE …) pour organiser les synergies.