De Mao à Sarko, c’est extra (2 février)

Alain Minc, l’autre matin, sur France-culture nous a informé qu’il aurait voté pour Dominique Strauss-Khan s’il avait été le candidat du parti socialiste mais puisqu’il ne l’est pas, il votera pour Nicolas Sarkozy. Dans la foulée, il nous a fait part de sa détestation de la démocratie participative, nous a doctement expliqué que les citoyens ne détenaient aucune expertise, raison pour laquelle seule la démocratie représentative était défendable.

Venant de quelqu’un qui a dit au cours des années une chose et son contraire et s’est trompé à peu près sur tout, on est rassuré quant à la qualité de son expertise.

 

André Glucksmann, lui, rêvait d’une candidature de Bernard Kouchner. Mais comme ce n’est pas le cas, il votera Sarkozy. Evidemment, j’ai tout de suite pensé : « de Mao à Sarko, la longue marche ». Mais le Canard enchaîné m’a devancée. J’ai une position de repli : « de Mao à Sarko, la voie royale !»

Est-ce qu’on a envie de démonter phrase après phrase la tribune que Glucksmann a publiée dans Le Monde du 30 janvier ? Est-ce qu’on a envie de prendre ce texte au sérieux ? Est-ce un texte de philosophe, puisque c’est ainsi que Glucksmann est qualifié ? Est-ce être philosophe que de croire sur parole le discours d’un candidat à l’élection présidentielle ? De prendre ses propos pour argent comptant ? De ne jamais les confronter aux actes, aux décisions ?

Dans son texte, en effet, Glucksmann ne fait que cela. Sarkozy se réclame de Hugo, de Jaurès, de Camus, nous parle du murmure des âmes innocentes, eh bien, cela suffit pour emporter l’adhésion, cela suffit pour ne pas douter de sa sincérité. Cela suffit pour se réjouir. Et ne pas regarder plus loin. Et ne pas aller au-delà des mots.

Oui, oui, réjouissons-nous.

Comme il fallait, il y a près d’une quarantaine d’années, se réjouir de la grande révolution culturelle chinoise et voir en elle l’avenir radieux de l’humanité. Et quand on n’obtempérait pas, qu’on osait dire que peut être, là-bas, ce n’était pas le paradis terrestre, eh bien, on était immédiatement suspect d’être du côté du capitalisme, de l’impérialisme américain, voire du fascisme, lequel, saluez la finesse et la justesse de l’analyse, ne se séparait du régime pompidolien de l’époque que par une feuille de papier à cigarette !

 

Post scriptum : Et puisque Sarkozy cite aussi Marc Bloch dans ses discours, ci-dessous une citation de L'étrange défaite que Marc Bloch écrivit de juillet à septembre 1940 (Folio/Histoire/Gallimard)

Ce texte, à bien des égards, résonne d'une étrange actualité, qu'il s'agisse des passages sur l'armée, le commandement, le fonctionnement gouvernemental et administratif,  les corporatismes, le fonctionnement de clan et de réseau, la nature des revendications syndicales, bref une sorte d'insconscience française quant à l'état du monde, quant au moment historique, une sorte de paresse intellectuelle aussi. Une seule citation de ce texte dont je recommande la lecture : Ce n'est pas seulement sur le terrain militaire que notre défaite a eu ses causes intellectuelles. Pour pouvoir être vainqueurs, n'avions-nous pas, en tant que nation, trop pris l'habitude de nous contenter de connaissances incomplètes et d'idées insuffisamment lucides?(…) Le pire est que cette paresse de savoir entraine nécessairement à une funeste complaisance envers soi-même.

 

Résistant, Marc Bloch a été arrêté par la Gestapo le 8 mars 44 et fusillé le 16 juin 44.

 

  

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