Tribune dans Libération 25 mars 2023
Le 8 mars, lors de la cérémonie célébrant l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution française, le président de la République a annoncé sa volonté d’inscrire le droit à l’IVG dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Excellente nouvelle.
Mais, quelques jours plus tard, le ministère de la Justice a réaffirmé, pour justifier le refus français d’une proposition faite par la Commission européenne concernant le viol, que la définition de celui-ci ne relevait pas de l’Union européenne mais des Etats membres. Position française déjà énoncée en novembre 2023 lors du débat à Bruxelles sur la directive relative à la lutte contre les violences faites aux femmes. C’est ce qui s’appelle «se tirer une balle dans le pied».
C’est ce qui s’appelle «se tirer une balle dans le pied». Car c’est précisément un tel argument qui est utilisé depuis des années par les Etats qui s’opposent à l’introduction du droit à l’IVG dans la charte des droits fondamentaux de l’UE, arguant du fait que les droits sexuels et reproductifs sont associés à la politique de la santé. Celle-ci ne relevant pas de l’UE mais de chaque Etat membre, il en va de même des droits sexuels et reproductifs. CQFD, chaque Etat fait ce qu’il veut dans ce domaine !
Le gouvernement français ne peut pas d’un côté user du principe de subsidiarité quand cela l’arrange et, en même temps, affirmer sa volonté de changer la charte puisque ledit principe est sans cesse brandi par les opposants à l’avortement.
Pour faire entrer les droits sexuels et reproductifs (dont l’IVG fait partie) dans la charte des droits fondamentaux, ce qui obligerait chaque Etat membre à reconnaître le droit à l’avortement et à le mettre en œuvre, il faut affirmer haut et fort que ces droits ne sont pas des enjeux de santé mais des enjeux de droit.
Il conviendrait même de les reconnaître explicitement dans la définition de l’Etat de droit. Dans l’article 2 du traité sur l’Union européenne, la notion d’Etat de droit recouvre le système judiciaire, la lutte contre la corruption, l’équilibre institutionnel des pouvoirs, la liberté et le pluralisme de la presse.
Il faut évidemment conserver ces critères mais il faut aussi y ajouter les droits humains, et donc les droits des femmes, qui comprennent le droit à l’interruption volontaire de grossesse et l’ensemble des droits sexuels et reproductifs.
Il serait opportun que les candidat·e·s aux élections européennes de juin prochain s’emparent de cet enjeu, clairement et fermement.