Mémoires

Dans ces pages,

mémoires de textes, d’articles, de photos, de tracts, d’affiches,

                archives à retrouver, à montrer,

décennies d’avant,    d’avant internet

    années antérieures,                                                                                1978

            journées oubliées ou à jamais inscrites,

passé dans le présent

Années Libé

Libé avait son actualité et sa manière à lui de la traiter, de faire des enquêtes et des reportages, de consacrer parfois plusieurs pages à ce qui n’était même pas digne d’une brève dans les autres journaux, d’afficher un irrespect à l’égard des institutions, des normes, des tabous. Le quotidien proposait aussi des rubriques inédites, faisait circuler des informations militantes, ouvrait ses colonnes à des anonymes car en ce temps-là, il n’était pas besoin d’être connu et reconnu pour avoir droit à l’expression….
Vint le moment, bien avant 1981, même s’il n’est pas possible d’en fixer exactement la date, où l’aventure journalistique remplaça l’aventure militante…1977

Extrait de Un chagrin politique, page 154

Histoires d’elles

… Un soir avec des copines, on s’est dit : “et si on faisait un journal !”
C’était en juin 1976, le juin de la canicule. Un appartement haut perché, les fenêtres ouvertes sur le Jardin des plantes, un dîner chez Marie-Odile Delacour, avec Evelyne Le Garrec et Hélène Bellour. Habituelles lamentations, Marie-Odile et moi, nous racontions nos malheurs à Libé et Evelyne les siens à Politique Hebdo. C’était les mêmes : les papiers qui passaient difficilement, les injonctions à “prendre des distances avec le Mouvement”, surtout l’obligation de se couler dans un moule, dans un style, dans une manière de traiter l’information… Et des verres de Sidi-Brahim aidant, l’idée du journal a surgi, un journal fait par des femmes, mais pas un journal féminin

Histoire dellepas même un journal dont le seul enjeu serait de traiter les “problèmes femmes” librement, sans devoir, pour qu’un article écrit devienne un article publié, en passer par “un regard de mecs” et un “pouvoir de mecs”, un journal qui parlerait des femmes, bien sûr, mais qui surtout traiterait de tous les problèmes du monde, un journal où les femmes pourraient dire ce qu’elles ont à dire sur la guerre, ou sur la politique, ou sur le nucléaire, ou sur la justice, ou sur le terrorisme, pourraient regarder le monde à leur façon, loin des “schémas masculins”…
Alors on s’y est mis, avec d’autres, des filles qui avaient la même envie que nous, et peu à peu, au fil de multiples réunions, de textes, de discussions, de dîners, l’affaire a pris forme, on a créé une association pour éditer le journal, on l’a baptisée l’APIFF (association pour une information féminine et féministe). Pour le titre, on a hésité, L’enragée, La parole, La dent dure, La plume au vent, Comment ça va ?, Tempête… Finalement, on est tombé d’accord sur Histoires d’elles, elles, des femmes, des histoires au pluriel, diversité des vies, des idées, des points de vue.
Donc Histoires d’elles (….) Laquelle d’entre nous croyait vraiment qu’on y arriverait ? Aucune sans doute. Mais quel bonheur de faire comme si, de se retrouver chez l’une, chez l’autre, Histoires d’elles, ce fut avec Evelyne, Marie-Odile, Leïla, Dominique, Catherine, Nancy, Claude, Carmen, Ruth, Hélène, Michèle, Luce, Barbara, Yesa, d’autres encore, des journées, des soirées, des nuits à discuter des sommaires, à dresser la liste des femmes qui pourraient nous donner de l’argent, à concocter un budget, à faire des projets de maquette, à s’engueuler, à se réconcilier dans de grandes rigolades, à se préparer des bouffes, à écouter des chansons…

Extrait de Un chagrin politique, page 152…

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