Le yacht, le président Sarkozy et le philosophe Finkielkraut 12 mai

Donc le Fouquet’s, le jet privé, le yacht de luxe en Méditerranée, bref les premières heures et premiers jours du nouveau président de la République, cela a fait "honte" à Alain Finkielkraut. Il le dit dans Le Monde du 11 mai. Il espère néanmoins que Nicolas Sarkozy tiendra les promesses faites dans « des discours de très haute tenue » et notamment celle d’" incarner la France".

Eh bien c’est cela, moi, que je trouve honteux, aussi. Que Finkielkraut ait pu et puisse encore s’en tenir aux discours, aux mots, comme si pour Sarkozy, les mots, les discours étaient autre chose que de l’apparence, de la manipulation, comme si Sarkozy n'était pas un "malfaiteur du langage", pour reprendre cette belle expression de David Grossmann dans le texte publié par le Nouvel Observateur de cette semaine.

Evidemment je pourrais le dire aussi d’une autre manière, le dire comme les enfants dans l'un de leurs jeux, « pâte à crêpes, tu l’as cru » !

Enfin on a bien compris que l'un des pires slogans de Mai 68 que le candidat appelait à "liquider" – "vivre sans temps morts et jouir sans entraves"- est une maxime à l'ordre du jour du Président.

 

Bolloré, le propriétaire du jet et du yacht, s’est fendu d’un communiqué pour rappeler que sa famille avait toujours accueilli des hommes politiques. Ainsi Léon Blum en 1945. Donc Sarko sur son yacht, c’est pareil que Blum retour de déportation. Les mots manquent pour qualifier le parallèle ainsi fait.
Mais pourquoi Vincent Bolloré se gênerait-il puisque Sarkozy a souvent évoqué Blum dans ses discours. Et pourquoi Sarkozy se gênerait-il puisque des philosophes – du moins est-ce ainsi qu’ils se nomment – tels Glucksmann ou Finkielkraut prennent pour argent comptant, n’est-ce pas le cas de le dire, des envolées de tribunes.

 

A propos de tribunes et de meetings, hier soir sur France 2 dans Envoyé spécial, des images du meeting de Sarkozy à Bercy, le dimanche 29 avril, jour de l’appel à la « liquidation de mai 68 ». On y voit un instant Glucksmann s’efforçant de dire pourquoi il soutient le candidat de la droite. Pathétique. Pathétique en effet de constater que Bercy tout entier se contrefiche de ce que raconte l’ex-mao de Sarko. Pathétique aussi le visage de Glucksmann qui n’a même pas l’air de se demander « mais qu’est ce que je fous là ? »

 

Toujours à la télévision, au moins deux scènes. Celle du 6 mai au soir, d’abord, où l’on a la confirmation,  en regardant et écoutant Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius qu’ils n’attendaient et même n’espéraient que cela, la défaite de Ségolène Royal.
Autre scène, non en direct, mais dans le documentaire de Serge Moatti « La prise de l’Elysée » diffusé sur FR3 le 7 mai. On y voit Bernard Kouchner, DSK et Anne Sinclair arriver dans les locaux d’une chaîne de télévision en même temps que Rachida Dati, la porte-parole de Sarkozy. Tout ce monde s’embrasse comme du bon pain. Eh bien moi je trouve cela choquant.
C’est parce que je suis, malgré mon grand âge d’une incurable naïveté. Ah non, j’oubliais, pas naïve mais encore soixanthuitarde. Pas celle décrite par mister Sarkozy qui annule la différence entre le bien et le mal, le vrai et le faux etc. Non celle qui, demeurée qu’elle est, estime que tout ne se vaut pas. Qui juge par exemple que le salut républicain à un adversaire politique est une chose, la connivence une autre.

 

PS rappel historique

Léon Blum a été arrêté en juillet 1940, traduit en justice en 42 (procès de Riom), déporté à Buchenwald en avril 43 où il restera deux ans, jusqu'en avril 45. Dans des notes de ce moment, il écrit notamment : "Pour les hommes politiques, un seul critère : le désintéressement. On a le droit de changer d'opinion, de combattre une réforme prônée auparavant. A une condition : ne pas y avoir intérêt".

PS du 12 mai : Dans Libération le bel et juste article de Antoine Malamoud, l'arrière petit-fils de Léon Blum. On comprend que de surcroît le communiqué de la famille Bolloré est un mensonge puisque Blum a été reçu en 1947, soit deux ans après son retour.

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